18 Août VIOLATION DE DOMICILE PAR LES AUTORITES
Sous-titre : L’OFFICIER DE POLICE A QUI LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE A ORDONNE DE FAIRE COMPARAITRE PAR LA FORCE UNE PERSONNE DEVANT LA JUSTICE NE PEUT PENETRER DANS SON DOMICILE SANS AUTORISATION
Arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du 22 Février 2017, n°16-82.412
- Le cadre légal
L’article 226-4 du Code pénal prévoit une infraction de violation du domicile d’autrui :
« L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines.
Constitue notamment le domicile d’une personne, au sens du présent article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non ».
Il s’agit donc du fait de s’introduire ou de se maintenir dans le domicile d’autrui par des moyens ne découlant pas de son autorisation.
Il convient de préciser que le domicile d’une personne est constitué d’un local d’habitation. Ainsi, le logement habituel, mais également une chambre d’hôtel ou une résidence de vacances sont considérés comme le domicile.
Cette règle découle directement de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, protégeant le droit à la vie privée :
« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
Si ces règles s’appliquent aux particuliers, qu’en est-il est des autorités ?
- L’application de cette règle aux autorités
L’article 432-8 du Code pénal prévoit que :
« Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ».
Les cas autorisant les officiers de police judiciaire à entrer dans le domicile d’autrui sont strictement encadrés.
Pour exemple, l’article 56 du Code de procédure pénale prévoit l’autorisation de pénétrer dans le domicile d’autrui si la saisie de documents ou autre pièce est justifiée par la nature du crime, ou si la confiscation de ces biens est autorisée :
« Si la nature du crime est telle que la preuve en puisse être acquise par la saisie des papiers, documents, données informatiques ou autres objets en la possession des personnes qui paraissent avoir participé au crime ou détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits incriminés, l’officier de police judiciaire se transporte sans désemparer au domicile de ces derniers pour y procéder à une perquisition dont il dresse procès-verbal. L’officier de police judiciaire peut également se transporter en tous lieux dans lesquels sont susceptibles de se trouver des biens dont la confiscation est prévue à l’article 131-21 du code pénal, pour y procéder à une perquisition aux fins de saisie de ces biens ; si la perquisition est effectuée aux seules fins de rechercher et de saisir des biens dont la confiscation est prévue par les sixième et septième alinéas de ce même article, elle doit être préalablement autorisée par le procureur de la République. Lorsque l’enquête porte sur des infractions de violences, l’officier de police judiciaire peut, d’office ou sur instructions du procureur de la République, procéder à la saisie des armes qui sont détenues par la personne suspectée ou dont celle-ci a la libre disposition, quel que soit le lieu où se trouvent ces armes ».
De plus, selon la nature de l’infraction, l’autorisation du Procureur de la République peut être nécessaire.
Pour exemple, l’interdiction de violer le domicile d’autrui souffre également d’une autre dérogation, à la savoir les procédures administratives d’expulsion.
Les articles L.733-9 à 733-11 du CESEDA autorisent aux autorités de pénétrer dans le domicile d’un étranger, sur autorisation d’un magistrat du siège, pour effectuer une visite domiciliaire.
- L’arrêt du 22 février 2017
Le juge judiciaire est garant du respect des droits et libertés, et a donc pour rôle de veiller au strict respect de ces règles.
C’est ainsi que le 22 février 2017, la Cour de cassation a eu l’occasion d’annuler une procédure pour non-respect de l’inviolabilité du domicile d’autrui.
En l’espèce, le Procureur de la République avait donné une autorisation orale aux officiers de faire comparaitre sous contrainte un suspect concernant des faits de violence.
Arrivés au domicile de l’individu, les officiers constataient que ce dernier était absent et ils décidaient d’entrer dans le domicile après avoir fracturé deux fenêtres.
Ils découvraient dans son logement des pieds de cannabis.
A son retour au domicile, il était interpellé, placé en garde à vue, puis était plus tard condamné pour détention et usage de stupéfiants.
Il était donc condamné pour des faits sans lien avec les faits initialement reprochés et exclusivement issus de la découverte faite par les officiers après avoir fracturé ses fenêtres et être entrés dans son domicile.
L’individu sollicitait la nullité de la procédure et ainsi de la décision de condamnation.
La Cour d’appel jugeait qu’il n’était tout d’abord pas certain que l’autorisation du Procureur de la République ait été délivrée dans le respect des conditions de l’article 78 du Code de procédure pénale.
Que de plus, à supposer ces conditions respectées, les officiers n’étaient pas autorisés à pénétrer dans le domicile du suspect, et par effraction.
La procédure devait donc être annulée.
La Cour de cassation confirmait cette décision, précisant que l’autorisation à contraindre une personne à comparaitre par la force publique constitue une violation de la vie privée telle que cette autorisation ne peut que découler de dispositions légales spécifiques.