12 Avr INTERDICTION DU TERRITOIRE FRANCAIS / OBTENIR SON RELEVEMENT
La peine d’interdiction du territoire français et la requête en relèvement
L’interdiction du territoire français est une peine particulière dont peut se servir le juge pénal en cas de crime ou de délit.
Elle peut être temporaire (10 ans au plus) ou définitive, une peine principale ou complémentaire, et concerne un étranger résidant en France.
L’étranger subissant cette peine a donc l’obligation de quitter le territoire français le temps de l’exécution de la peine.
Le condamné subissant cette peine peut tout d’abord interjeter appel de la décision afin d’obtenir le retrait de cette peine.
S’il n’interjette pas appel, ou si la peine d’interdiction du territoire est confirmée, il peut rédiger une requête en relèvement de l’interdiction du territoire français.
Cette requête doit être rédigée auprès du Procureur de la République du Tribunal, ou auprès du Procureur général près la Cour d’appel, ayant condamné l’étranger.
Il doit remplir plusieurs conditions :
- L’étranger doit résider hors de France lorsqu’il rédige cette requête :
L’article L.641-2 du CESEDA prévoit en effet que :
« Il ne peut être fait droit à une demande de relèvement d’une interdiction du territoire que si le ressortissant étranger réside hors de France. Cette condition ne s’applique pas :
1° Pendant le temps où le ressortissant étranger subit en France une peine d’emprisonnement ferme ;
2° Lorsque l’étranger fait l’objet d’une décision d’assignation à résidence prise en application des articles L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 ».
L’étranger devra donc prouver, avec des justificatifs de domicile, qu’il réside bien à l’étranger lorsqu’il formule sa demande.
Pour être aidé, il peut être accompagné d’un avocat lui permettant de réaliser ses démarches depuis le territoire français.
- L’étranger ne peut rédiger cette requête avant un délai de 6 mois suivant la condamnation :
L’article 702-1 du Code de procédure pénale prévoit en ce sens, en son alinéa 3 :
« Sauf lorsqu’il s’agit d’une mesure résultant de plein droit d’une condamnation pénale, la demande ne peut être portée devant la juridiction compétente qu’à l’issue d’un délai de six mois après la décision initiale de condamnation. En cas de refus opposé à cette première demande, une autre demande ne peut être présentée que six mois après cette décision de refus. Il en est de même, éventuellement, des demandes ultérieures. En cas d’interdiction du territoire prononcée à titre de peine complémentaire à une peine d’emprisonnement, la première demande peut toutefois être portée devant la juridiction compétente avant l’expiration du délai de six mois en cas de remise en liberté. La demande doit être déposée au cours de l’exécution de la peine ».
Une requête déposée avant 6 mois sera simplement jugée irrecevable, et ne mettra pas fin à toute demande ultérieure.
Il convient de respecter ce délai de 6 mois afin d’éviter d’engorger les juridictions.
- Il doit pouvoir justifier des lieux où il a résidé depuis sa condamnation ou sa libération :
L’article 703 du Code de procédure pénale prévoit que le demandeur :
« précise la date de la condamnation ainsi que les lieux où a résidé le requérant depuis sa condamnation ou sa libération ».
L’étranger demandant le relèvement de l’interdiction du territoire français doit pouvoir démontrer qu’il a respecté cette interdiction dès sa condamnation et jusqu’à la décision du Juge, et non uniquement lors de sa demande.
Pour cela, il devra fournir des justificatifs de domicile.
Il convient de préciser que des éléments de personnalité devront être rassemblés pour appuyer la requête (santé, famille, travail, formation, absence de nouveaux de nature pénale depuis la condamnation …).
En somme, il convient de réaliser une forme de CV du demandeur, qui pourra justifier de ses résidences et activités, et de sa nécessité de faire relever l’interdiction du territoire.
- Suite de la procédure
Une fois la requête reçue par le Procureur de la République, ce dernier l’examinera puis saisira le Tribunal correctionnel (ou la Cour d’appel pour l’Avocat général).
La demande pourra être étudiée en chambre du conseil, c’est-à-dire sans audience, et ou lors d’une audience.
Dans ce dernier cas, une audience aura lieu devant un Juge unique, au cours de laquelle la demande sera formulée et de nouveaux justificatifs pourront être fournis.
A l’issue de cette audience, le Juge rend sa décision et peut relever l’interdiction ou la confirmer.
Si la requête en relèvement est rejetée, une nouvelle demande pourra être formulée 6 mois après cette dernière décision.
- De l’obligation des juges de justifier un rejet de la requête
La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler que les juges devaient justifier le rejet d’une requête en relèvement d’une interdiction du territoire français selon la situation actuelle de l’intéressé (Cass.crim., 7 décembre 2021, n°20-84.367).
En l’espèce, un ressortissant algérien avait été condamné par la Cour d’appel de PARIS en 2005 pour des faits de participation à une association de malfaiteurs terroriste et usage de faux documents administratifs, faits commis entre 1999 et 2001.
Il subissait notamment une interdiction définitive du territoire français.
En 2019, soit 14 ans après sa condamnation, il déposait une requête en relèvement d’interdiction du territoire auprès de la Cour d’appel.
Cette dernière rejetait sa demande, aux motifs que l’intéressé entretenait lors des faits des liens étroits avec des personnes ayant projeté des attentats, il s’était déplacé en AFGHANISTAN afin de combattre pour AL QAIDA, et avait participé à des entrainements dans les camps sous une fausse identité.
La gravité des faits justifiait le maintien de l’interdiction du territoire français, tout comme « l’importance de son engagement djihadiste antérieur et profond dans un contexte toujours actuel de menace terroriste islamiste ».
Or, la Cour de cassation a cassé cet arrêt au motif que le rejet de la demande de relèvement ne peut se fonder sur une dangerosité antérieure.
Il est nécessaire pour les juges d’évaluer le danger actuel de l’intéressé, et ce d’autant plus que les faits étaient particulièrement anciens :
« De tels motifs, qui ferment toute possibilité d’évolution de la situation de M. [V], ne permettent aucun contrôle de proportionnalité de la nécessité de maintenir la peine d’interdiction définitive du territoire français ».
Dès lors, il est indispensable, lors du dépôt de la requête en relèvement de l’interdiction du territoire français, de démontrer le respect des conditions légales de dépôt mais également de démontrer l’évolution de l’intéressé et la disparition de tout caractère dangereux.