Préjudice scolaire, universitaire ou de formation : quel impact pour les jeunes victimes ?

Préjudice scolaire, universitaire ou de formation : quel impact pour les jeunes victimes ?

Lorsqu’un enfant, un lycéen ou un étudiant est victime d’un accident ou d’une agression, les conséquences peuvent profondément altérer son avenir. Au-delà des souffrances physiques ou psychologiques, l’interruption ou la dégradation du parcours éducatif constitue un préjudice autonome, reconnu par la jurisprudence française sous le nom de préjudice scolaire, universitaire ou de formation.

 

  1. Un poste de préjudice distinct reconnu par la nomenclature Dintilhac

La nomenclature Dintilhac, qui sert de référence dans l’évaluation des préjudices corporels, identifie ce poste comme visant « les troubles dans les études ou la formation ». Il s’agit de compenser le retard scolaire, le redoublement, la déscolarisation, l’abandon d’une orientation ou la perte d’une chance d’accès à une formation.

Ce préjudice est personnel à la victime et se distingue :

  • Du préjudice professionnel (pour les victimes en activité),
  • De la perte de gains futurs (réservée aux conséquences économiques à long terme),
  • Et du préjudice moral.

 

  1. Jurisprudence constante : une reconnaissance claire mais encadrée

 Une jurisprudence de la Cour de cassation bien établie

La Cour de cassation a affirmé de manière claire que le préjudice scolaire constitue un préjudice indemnisable à part entière :

« La perte d’années d’études consécutive à un accident constitue un préjudice certain et indemnisable, distinct des autres postes de préjudice » (Cass. civ. 2e, 9 avril 2009, n° 08-15.977, publié au bulletin).
Dans cette affaire, la victime avait perdu deux années de scolarité et contracté un emprunt pour une formation non menée à terme. La Cour a aussi reconnu le droit à indemnisation de la charge financière de cette scolarité inachevée.

 Apports des cours d’appel : une application concrète

Plusieurs décisions des cours d’appel confortent cette approche :

  • Cour d’appel de Nancy, 16 décembre 2021, n° 21/01304 : une jeune femme n’a pas pu passer un concours d’entrée à l’IFSI en raison d’un accident. Le report de sa formation a été reconnu comme un préjudice scolaire indemnisable, dès lors qu’elle apportait des preuves concrètes (inscriptions, attestations, etc.).
  • Cour d’appel de Douai, 6 avril 2017, n° 16/01373 : une étudiante, dont le redoublement et le changement d’orientation étaient liés à des séquelles psychologiques et physiques post-accident, a été indemnisée au titre du préjudice universitaire.
  • Cour d’appel d’Orléans, 3 décembre 2012, n° 12/00084 : l’impact de l’accident sur la scolarité d’un lycéen a justifié l’indemnisation autonome du préjudice scolaire en sus des autres préjudices corporels.

 

III. Conditions d’indemnisation : une preuve rigoureuse nécessaire

Pour obtenir réparation, la victime doit démontrer la réalité et l’ampleur du trouble subi dans sa scolarité. Les juridictions exigent souvent :

  • Les bulletins scolaires ou relevés de notes avant/après l’événement,
  • Des attestations d’enseignants ou d’établissements,
  • Des rapports médicaux ou psychologiques,
  • Tout document prouvant une inscription à un concours, une formation, ou un projet professionnel en cours.

La qualité de la preuve conditionne la reconnaissance du lien de causalité direct entre l’accident et le trouble dans le parcours éducatif.

  1. Évaluation du préjudice : un montant variable

L’évaluation financière du préjudice est laissée à l’appréciation souveraine des juges. Elle tient compte :

  • De l’âge de la victime,
  • Du niveau scolaire atteint,
  • Du retard occasionné,
  • Et de la nature du projet abandonné ou différé.

Les montants varient généralement entre 1 000 € et 15 000 €, selon les circonstances.

En conclusion

Le préjudice scolaire, universitaire ou de formation est désormais reconnu de façon claire par les juridictions françaises. Il reflète l’impact concret d’un dommage corporel sur le parcours de vie d’un jeune, parfois privé de ses ambitions scolaires ou professionnelles. Sa réparation suppose toutefois une démonstration rigoureuse du lien de causalité et de l’ampleur du préjudice subi.