NULLITE / INTERDICTION DE LA VISIOCONFERENCE DANS LA REALISATION D’UNE EXPERTISE PSYCHIATRIQUE

NULLITE / INTERDICTION DE LA VISIOCONFERENCE DANS LA REALISATION D’UNE EXPERTISE PSYCHIATRIQUE

Sous-titre : L’usage de la visioconférence dans le cadre d’une expertise psychiatrique est interdit et fait nécessairement grief, justifiant l’annulation de l’expertise.

Cass.crim., 22 novembre 2023, n°22-86.715

 

L’usage de la visioconférence dans le cadre de procédures judiciaires s’est étendu et concerne aujourd’hui de nombreux actes d’enquête.

L’article 706-71 du Code de procédure pénale prévoit les actes d’enquête pouvant faire l’objet d’une visioconférence de manière limitative.

Il s’agit notamment de l’interrogatoire ou de l’audition d’un prévenu ou mis en examen, d’une confrontation, la comparution du prévenu devant le Tribunal correctionnel, ou encore l’audition de témoins ou de parties civiles.

Cet article prévoit également que l’audition d’experts peut avoir lieu par visioconférence.

Cependant, cet article ne prévoit pas l’usage de la visioconférence dans le cadre de la réalisation de l’expertise.

La question de cet usage dans ce cadre a été posée à la Cour de cassation.

 

En l’espèce, un individu a subi des violences et est décédé trois jours plus tard.

Une information judiciaire a été ouverte et plusieurs suspects ont été mis en examen.

Le Juge d’instruction avait ordonné la réalisation d’expertises psychiatriques des mis en examens, qui se sont déroulées en visioconférence.

L’un des mis en examens a déposé une requête en annulation de son expertise, qui a été rejetée par la Chambre de l’instruction.

Le mis en examen a dès lors formé un pourvoi en cassation, soulevant que l’article 706-71 du Code de procédure pénale ne prévoyait pas la réalisation d’expertises au moyen d’une visioconférence. Cette visioconférence était dès lors interdite et entrainait la nullité de l’expertise. Plus encore, le respect des règles de procédure était d’autant plus important que l’expertise est essentielle dans le cadre des droits de la défense. Enfin, le mis en examen soulevait que cette nullité n’avait aucun lien avec le fait que la défense n’avait émis aucune observation à la réception de la convocation mentionnant la visioconférence.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel, au motif que l’article 706-71 du Code de procédure pénale prévoit la liste des actes de procédures pouvant faire l’objet d’une visioconférence.

Elle déduit de cet article que l’usage de la visioconférence est interdit dans tout autre cas non prévu par la loi.

Or, l’expertise psychiatrique ne fait pas partie des actes de procédure pouvant faire l’objet d’une visioconférence.

La Cour de cassation juge dès lors que l’usage de la visioconférence est une cause de nullité de l’expertise, que cette nullité peut être soulevée par toute partie qui y a un intérêt, et que cette irrégularité fait nécessairement grief.

Ainsi, en cas d’expertise réalisée en visioconférence, il convient d’envisager l’opportunité de déposer une requête en nullité sur le fondement de l’article 706-71 du Code de procédure pénale :

 

« Vu l’article 706-71 du code de procédure pénale :

  1. Selon le premier alinéa de ce texte, issu de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, aux fins d’une bonne administration de la justice, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction l’estime justifié, dans les cas et modalités prévus par cet article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle.
  2. Il s’ensuit, d’une part, que l’usage d’un moyen de télécommunication audiovisuelle est limité aux cas prévus par le texte.
  3. D’autre part, cette disposition s’applique à tous les actes accomplis au cours de la procédure.
  4. Dès lors, le texte susvisé interdit le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle à l’occasion de l’examen de la personne mise en examen, du témoin assisté ou de la partie civile par les médecins et psychologues experts, auquel se réfère l’article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale.
  5. Constitue une violation des règles relatives à l’établissement et à l’administration de la preuve en matière pénale la méconnaissance dudit texte, qui impose que l’examen d’une personne soit réalisé par l’expert, en sa présence, de sorte que toute partie qui y a intérêt a qualité pour invoquer la nullité tirée de la méconnaissance de ces dispositions.
  6. Une telle irrégularité fait nécessairement grief aux parties concernées.
  7. En écartant la demande d’annulation de l’expertise psychiatrique du demandeur, dont l’examen a été réalisé par visioconférence, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé.
  8. La cassation est, par conséquent, encourue».