MANDAT DE DEPOT A EFFET DIFFERE

MANDAT DE DEPOT A EFFET DIFFERE

La question est de savoir comment le mandat de dépôt à effet différé fonctionne et comment peut-il être utilisé par les avocats ?

 

  1. Définition

Le mandat de dépôt est défini par l’article 122 du Code pénal, en son alinéa 8, comme « l’ordre donné au chef d’établissement pénitentiaire de recevoir et de détenir la personne à l’encontre de laquelle il est décerné ».

Ce mandat peut être décerné à l’occasion d’une audience de nature pénale, afin que la personne condamnée soit incarcérée immédiatement et débute sa peine à l’issue de l’audience.

 

Cependant, la loi du 23 mars 2019 a créé un nouveau mandat de dépôt : le mandat de dépôt à effet différé.

Cette procédure permet au condamné de ne pas être incarcéré à l’issue de l’audience et de disposer d’un délai avant son incarcération, pour préparer celle-ci.

Cette mesure a notamment pour objectif d’éviter le choc carcéral qui interviendrait brutalement à l’issue d’une audience pénale.

 

L’article 464-2 du Code de procédure pénale exige plusieurs conditions afin de décerner ce mandat :

-la peine d’emprisonnement doit être ferme et supérieure à six mois,

-le condamné doit être convoqué devant le Procureur de la République dans un délai de maximum un mois à l’issue de l’audience,

-le juge doit spécialement motiver la raison pour laquelle il prononce une peine ferme, sans possibilité d’aménagement, au regard de la personnalité du condamné, des faits et de sa situation personnelle.

 

Ces conditions ont été validées par la Cour de cassation dans un arrêt du 11 mai 2021, n°20-84.412.

La Cour a apporté un éclairage sur les conditions de cette mesure dans un tableau en fonction du quantum de la peine et les options du Tribunal en termes d’aménagement de la peine (Tableau aménagement de peine avec possibilité d’utiliser le mandat à effet différé)

 

Par ailleurs, l’incarcération doit avoir lieu dans les quatre mois suivants l’audience (Article D45-2-4 du Code de procédure pénale).

 

Il convient de préciser que l’individu convoqué devant le Procureur de la République ou à l’établissement pénitentiaire qui ne se présente pas pourra faire l’objet d’un mandat d’arrêt. La peine sera dès lors exécutée avec l’usage de la force publique (Article D45-2-7 du Code de procédure pénale).

 

  1. Demande d’aménagement de peine : comment se servir du mandat de dépôt à effet différé ?

Il convient d’ores et déjà de préciser qu’un mandat de dépôt à effet différé fait obstacle à toute demande immédiate d’aménagement de peine.

Cela signifie que le condamné devra attendre d’être incarcéré avant de faire cette demande.

Cependant, le temps passé en liberté avant cette incarcération peut être utile à la préparation de la demande d’aménagement de peine.

En effet, l’incarcération doit avoir lieu dans les quatre mois suivants l’audience.

Dans ce délai, le condamné et son avocat peuvent se rapprocher du Juge de l’application des peines et du Procureur de la République pour discuter d’un éventuel aménagement de peine, dans le cadre d’une procédure hors débat contradictoire.

Ainsi, la demande d’aménagement de peine déposée à l’occasion de l’incarcération ne sera pas étudiée lors d’une audience mais sur dossier.

Le condamné aura en conséquence une réponse à sa demande dans des délais plus restreints.

Il convient dès lors à l’avocat du condamné de préparer la demande d’aménagement de peine avec le Juge de l’application des peines pour limiter à son client le temps passé en détention.

 

  1. L’exécution provisoire de cette mesure

L’exécution provisoire du mandat de dépôt à effet différé n’est pas automatique.

L’article D45-2-1-1 du Code de procédure pénale prévoit qu’en cas de comparution immédiate ou de comparution différée, en cas de récidive ou en cas de peine d’emprisonnement d’au moins un an, le mandat de dépôt à effet différé ne peut être assorti d’une exécution provisoire.

 

  1. Le mandat de dépôt à effet différé dans la pratique

Dans une affaire de détournement d’héritage devant le Tribunal de CRUSSET, l’acteur principal des faits, un ancien notaire, a été condamné à la peine de 4 ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt à effet différé (condamnation du 27 mars 2023) (https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/allier/vichy/detournement-d-heritages-le-tribunal-de-cusset-condamne-le-cerveau-de-l-affaire-a-4-ans-de-prison-ferme-2790938.html).

 

Toujours devant le Tribunal de CRUSSET, un homme a été condamné pour s’être fait passer pour un avocat (l’infraction d’exercice illégal de la profession d’avocat et escroquerie par usage de la fausse qualité d’avocat en récidive). Il avait en effet été démasqué par le Procureur alors qu’il plaidait. Il a été condamné le 22 décembre 2022 à deux d’emprisonnement ferme avec mandat de dépôt à effet différé (https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/cusset-allier-le-faux-avocat-condamne-a-2-ans-ferme-1277205).

Enfin, le 6 mars 2023, deux individus ont été condamnés pour escroquerie au sein d’une agence matrimoniale à cinq ans d’emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, donc trois ans et demi fermes. Ils avaient escroqué des clients en leur faisant croire qu’il avait trouvé leur âme sœur à l’étranger. Cette peine était assortie d’un mandat de dépôt à effet différé (https://www.capital.fr/entreprises-marches/les-parents-des-youtubeurs-swan-neo-condamnes-a-de-la-prison-pour-escroquerie-1462248).

 

L’actualité nous démontre que le mandat de dépôt à effet différé est d’ores et déjà appliqué en pratique et doit donc être sollicité par les avocats lorsque cela est possible, afin de permettre à leur client de préparer leur incarcération.

 

Sources :

Note explicative de la Cour de cassation en matière d’aménagement de peine : https://www.courdecassation.fr/getattacheddoc/609a1d733ac0d473af616598/e75693d04fdf2479f2e213fc8df43fea