AUTOBLANCHIMENT / Le blanchiment de sa propre infraction

AUTOBLANCHIMENT / Le blanchiment de sa propre infraction

L’AUTOBLANCHIMENT DE SON INFRACTION EST POSSIBLE

Cass.crim., 14 juin 2017, n°16-84.921

 

  1. Définition et cadre légal du blanchiment

Le blanchiment est défini par le dictionnaire Larousse comme le fait de faire subir à des fonds une série d’opérations à la suite desquelles leur origine frauduleuse, illégale, peut être dissimulée.

Cette définition est précisée par le Code pénal.

La définition légale issue de l’article 324-1 du Code pénal prévoit en effet deux comportements :

« Le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.

Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit ».

L’infraction de blanchiment nécessite ainsi :

 

  • Une infraction, à savoir un crime ou un délit,
  • Un produit issu directement ou indirectement de cette infraction,
  • Un comportement de blanchiment : faciliter la justification mensongère de l’origine de ce produit OU apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit

 

Il convient de préciser que si le blanchiment porte généralement sur l’argent, des biens peuvent également faire l’objet d’un blanchiment.

La jurisprudence a pu connaitre de cas de blanchiment de biens volés (Cass.crim., 26 janvier 2011, n°10-84.081 : le prévenu était condamné pour blanchiment, en l’espèce pour avoir servi d’intermédiaire dans la revente d’engins de travaux publics volés).

Cependant, jusqu’au 14 juin 2017, le blanchiment ne pouvait porter que sur le produit de l’infraction commis par une autre personne.

 

  1. Autoblanchiment : une innovation jurisprudentielle

La Cour de cassation a précisé, par un arrêt du 14 juin 2017, que l’auteur de blanchiment peut avoir blanchi le produit de sa propre infraction.

En l’espèce, le condamné avait commis des actes d’abus de confiance à l’encontre d’une personne âgée, veuve et souffrant de déficience mentale.

Or, afin de dissimuler les abus de confiance, le condamné avait multiplié la création de comptes bancaires au nom de la victime et à son propre nom.

En outre, il avait consenti des prêts à des amis avec l’argent issu des actes d’abus de confiance, et avait acquis des biens immobiliers dont il remboursait les emprunts avec cet argent.

Toutes ces opérations avaient pour but de dissimuler l’origine frauduleuse de l’argent acquis à l’aide des actes d’abus de confiance sur personne vulnérable.

Le condamné, dans ses moyens, expliquait que l’alinéa 2 de l’article 324-1 du Code pénal prévoyait un « concours au placement du produit d’une infraction principale » : il considérait en effet que cet article exigeait une infraction principale commise par des comparses et l’infraction distincte de blanchiment commise par un tiers.

La Cour de cassation a jugé que l’infraction de blanchiment était générale et autonome, de sorte qu’elle pouvait être commise par n’importe qui, y compris l’auteur de l’infraction initiale.

En effet, selon elle, l’article 324-1 du Code pénal, en son alinéa 2, ne prévoit pas de distinction entre les auteurs.

Dès lors, l’auteur de l’infraction initiale peut également être condamné pour le blanchiment du produit issu de cette première infraction.

Cette autonomie suppose donc deux conséquences :

-l’absence de poursuite de l’infraction initiale n’a pas de conséquence sur la poursuite de l’auteur du blanchiment,

-l’auteur de l’infraction initiale peut également être condamné au blanchiment de son propre butin, sans que le principe non bis in idem ne s’applique (interdiction de condamner deux fois pour les mêmes faits).

 

  1. En pratique : cas d’autoblanchiment reconnus

A notamment été reconnu l’autoblanchiment d’un professionnel vendeur de véhicules d’occasion. Il vendait en effet des véhicules d’occasion sur un autre site que son site principal, sans avoir déclaré cette activité à l’URSSAF. Il avait également à ce titre embauché un employé sans l’avoir déclaré. Il était dès lors condamné pour exécution d’un travail dissimulé et pour non déclaration auprès de l’URSSAF de son établissement secondaire. Plus encore, il était condamné pour le blanchiment des fonds issus de ces ventes. Il avait en effet versé ces fonds sur ses comptes ou ceux de sa femme, puis les réinjectait dans le circuit financier légal en achetant des véhicules d’occasion ou en réglant des dépenses de famille (Cass.crim., 27 mars 2018, n°16-87.585).

 

De la même manière, le maire de la commune de LEVALLOIS PERRET, condamné pour fraude fiscale et prise illégale d’intérêts, a été condamné pour le blanchiment de ses infractions, pour avoir notamment acquis à l’aide des fonds illégaux des biens immobiliers (Affaire BALKANY : https://www.francetvinfo.fr/politique/affaire/affaire-balkany/blanchiment-de-fraude-fiscale-patrick-et-isabelle-balkany-condamnes-en-appel-a-quatre-ans-et-demi-et-trois-ans-et-demi-de-prison_5592030.html)