ANONYMAT / L’anonymat dans un procès-verbal de renseignement

ANONYMAT / L’anonymat dans un procès-verbal de renseignement

L’ANONYMAT EST LIBREMENT ADMIS LORSQUE LES DECLARATIONS SONT RECUEILLIES DANS LE CADRE D’UN SIMPLE PROCES-VERBAL DE RENSEIGNEMENT

Cour de Cassation, chambre criminelle, 28 mai 2014, n°13-83.197

  1. L’anonymat des témoins dans la procédure pénale

L’anonymat des témoins est prévu par l’article 706-57 du Code de procédure pénale comme suit :

« Les personnes à l’encontre desquelles il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction et qui sont susceptibles d’apporter des éléments de preuve intéressant la procédure peuvent, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, déclarer comme domicile l’adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie. Si la personne a été convoquée en raison de sa profession, l’adresse déclarée peut être son adresse professionnelle. L’autorisation du procureur de la République n’est pas nécessaire lorsque le témoignage est apporté par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public pour des faits qu’elle a connu en raison de ses fonctions ou de sa mission et que l’adresse déclarée est son adresse professionnelle ».

Lorsque le témoin craint pour sa vie, l’article 706-58 du Code de procédure pénale prévoit quant à lui que :

« En cas de procédure portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, lorsque l’audition d’une personne visée à l’article 706-57 est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l’intégrité physique de cette personne, des membres de sa famille ou de ses proches, le juge des libertés et de la détention, saisi par requête motivée du procureur de la République ou du juge d’instruction, peut, par décision motivée, autoriser que les déclarations de cette personne soient recueillies sans que son identité apparaisse dans le dossier de la procédure. Cette décision n’est pas susceptible de recours, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 706-60. Le juge des libertés et de la détention peut décider de procéder lui-même à l’audition du témoin.

La décision du juge des libertés et de la détention, qui ne fait pas apparaître l’identité de la personne, est jointe au procès-verbal d’audition du témoin, sur lequel ne figure pas la signature de l’intéressé. L’identité et l’adresse de la personne sont inscrites dans un autre procès-verbal signé par l’intéressé, qui est versé dans un dossier distinct du dossier de la procédure, dans lequel figure également la requête prévue à l’alinéa précédent. L’identité et l’adresse de la personne sont inscrites sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet au tribunal judiciaire ».

Il ressort ainsi de l’association de ces articles qu’un témoin peut être entendu de manière anonyme si :

-il n’a aucun lien avec l’infraction commise,

-il est susceptible d’apporter des éléments intéressants l’enquête,

-il risque des représailles.

Il convient de noter que l’anonymat nécessite des autorisations du Procureur de la République ou du Juge d’instruction dans le cas où seule l’adresse est camouflée, et l’autorisation du Juge des libertés et de la détention en cas d’anonymat total.

La question posée à la Cour de cassation était de connaitre la nature des déclarations du témoin :

De simples renseignements constituent-ils une audition et nécessitent-ils donc de respecter la procédure d’autorisation ?

 

  1. Arrêt du 28 mai 2014 : confirmation d’une jurisprudence de 2003

En l’espèce, un fonctionnaire de police a dressé un procès-verbal de déclarations d’une personne souhaitant rester anonyme, faisant état d’un possible trafic de stupéfiants.

Une enquête préliminaire était diligentée, puis une information judiciaire ouverte et des suspects étaient mis en examen.

L’un des mis en examen a déposé une requête en annulation portant notamment sur ce procès-verbal n’ayant fait l’objet d’aucune autorisation.

La Chambre de l’instruction a rejeté cette demande, au motif que le procès-verbal ne constituait pas une audition de témoin mais un simple recueil de renseignements destinés à guider d’éventuelles poursuites, n’ayant à ce titre aucune valeur probante.

La Cour de cassation a validé cette motivation, ajoutant que ce procès-verbal avait été dressé avant tout acte d’enquête.

De plus, le fonctionnaire n’avait pas interrogé le témoin mais avait seulement recueilli ses déclarations spontanées.

Dès lors, ce procès-verbal ne pouvait s’analyser en une audition de témoin, et ne nécessitait donc pas de respecter la procédure prévue par les articles précédemment cités.

Il convient de préciser que cette solution avait déjà été rendue par la Cour de cassation dans le cadre d’un arrêt du 9 juillet 2003, selon lequel le procès-verbal établi par un fonctionnaire de police faisant état des déclarations d’un témoin souhaitant rester anonyme constituait un simple recueil de renseignements destiné à guider d’éventuelles investigations, et n’ayant pas de valeur probante. Les dispositions de l’article 706-57 du Code de procédure pénale n’étaient dès lors pas applicable (Cass.crim., 9 juillet 2003, n°03-82.119).