INSTRUCTION / La partie civile et le secret de l’instruction

INSTRUCTION / La partie civile et le secret de l’instruction

L’instruction, ou information judiciaire, est une procédure tenue secrète pour son bon déroulement, selon l’article 11 du Code de procédure pénale.

La question se pose de savoir si la partie civile est tenue au secret de l’instruction ?

 

1.Définition de l’instruction judiciaire

L’instruction est une enquête menée par le Juge d’instruction, sur demande du Procureur de la République, afin de déterminer l’existence d’une infraction et ses auteurs, et d’établir la vérité.

L’instruction est obligatoire en matière de crime, et est facultative en matière de délit.

En effet, la gravité des crimes justifie qu’un juge soit spécialement saisi pour réaliser cette enquête.

Une fois tous les actes d’instruction réalisés, le Juge d’instruction peut décider de la suite à donner à la procédure : il peut saisir la juridiction de jugement ou rendre une ordonnance de non-lieu, c’est-à-dire ordonner l’arrêt des poursuites.

C’est dans ce cadre que le Code de procédure pénale a instauré le secret de l’instruction.

 

2.Définition du secret de l’instruction

L’article 11 du Code de procédure pénale prévoit que :

« Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète.

Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l’article 434-7-2 du code pénal ».

Cet article prévoit donc que toute divulgation sur des éléments de l’instruction est prohibée.

 

Viole par exemple le secret de l’instruction :

  • Le fait de divulguer des informations issues de l’instruction à des journalistes :

En l’espèce, un officier de police judiciaire avait communiqué à des journalistes des informations connus seulement d’eux (Cass.crim., 24 mars 2020, n°19-80.909),

  • Le fait de prévenir une partie de l’instruction de mesures mises en place à son encontre :

En l’espèce, une avocate avait prévenu un ami de son client, soupçonné de trafic de stupéfiants, qu’il était sur écoute. Elle a été condamnée à la peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et quatre mois d’interdiction d’exercer la profession d’avocat (https://www.leparisien.fr/paris-75/l-avocate-imprudente-a-ete-condamnee-13-12-2013-3403391.php),

  • Le fait de divulguer au parent d’une partie de la procédure des informations issues de l’instruction :

En l’espèce, un gendarme avait révélé à son médecin des éléments issues de l’information judiciaire, ce médecin étant la mère d’un mis en examen. Elle avait ainsi révélé à son fils ce qu’elle avait appris (Cass.crim., 10 décembre 2019, n°19-80.479).

 

  • La partie civile est-elle soumise au secret de l’instruction ? Avant 2021

La question se pose en ce que les actes d’instruction peuvent mettre en lumière des éléments, ou fournir des pièces utiles à la partie civile.

Il arrive en effet régulièrement qu’une partie civile ait besoin de documents de nature pénale pour justifier par exemple de ses demandes d’indemnisation devant un juge civil.

L’article 11 du Code de procédure pénale ne précisant pas les parties soumises au secret de l’instruction, la jurisprudence a éclairci cette question avant 2021.

Cette dernière a considéré que la partie civile n’était pas soumise au secret de l’instruction (Cass.crim., 9 octobre 1978, n°76-92.075).

Cette décision était confirmée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Cass.civ., 2ème civ., 21 janvier 1981, n°79-15.686).

A l’occasion de cette dernière affaire, la Cour de cassation avait jugé que la partie civile pouvait utiliser des pièces de l’instruction au soutien de son affaire devant le Juge civil.

Cette solution était encore confirmée par la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass.soc., 6 juillet 1994, n°90-43.640), comme la chambre commerciale (Cass.com., 7 janvier 1976, n°72-14.029).

Selon ces jurisprudences, la partie civile était libre de communiquer toute pièce de l’information judiciaire.

Cependant, ces solutions sont anciennes et le Code de procédure pénale a été modifié dans le sens d’une restriction des droits de la partie civile.

 

3.Depuis 2021 : La partie civile peut-elle aujourd’hui produire des pièces pénales pour une instance civile ?

La réponse est désormais négative.

En effet, le Code de procédure pénale a subi en 2021 deux modifications majeures faisant obstacle à cette jurisprudence ancienne :

-l’article 114 du Code prévoit que :

« Seules les copies des rapports d’expertise peuvent être communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense »,

-l’article 114-1 du Code a été modifié :

« Sous réserve des dispositions du sixième alinéa de l’article 114, le fait, pour une partie à qui une reproduction des pièces ou actes d’une procédure d’instruction a été remise en application de cet article, de la diffuser auprès d’un tiers est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ».

Ces articles prévoient dès lors que les parties civiles sont devenues de fait soumises au secret de l’instruction, pour ce qui concerne les pièces de la procédure. Elle reste cependant non soumise dans ses déclarations.

Ainsi, une partie civile peut utiliser une expertise psychiatrique ou médicale réalisée dans le cadre de l’information judiciaire, aux fins de défense de ses intérêts dans une autre instance.

Elle ne pourra cependant pas utiliser d’autres pièces de cette instruction.