INDEMNISATION / Le JIVAT: Juge de l’indemnisation des victimes d’attentats terroristes

INDEMNISATION / Le JIVAT: Juge de l’indemnisation des victimes d’attentats terroristes

 

Qu’est-ce que le JIVAT et quelles sont ses compétences ?

 

La loi du 23 mars 2019 a permis de centraliser la réparation des victimes d’attentats terroristes, en séparant la procédure de leur indemnisation de la procédure applicable aux autres victimes, par le biais de la création du JIVAT.

 

  1. Cadre légal

Créé par la loi du 23 mars 2019, le JIVAT est compétent en matière de dommages résultant d’un préjudice corporel des victimes d’attentats terroristes. Le Tribunal judiciaire de Paris bénéficie d’une compétence exclusive sur les litiges liés à l’indemnisation de telles victimes.

C’est dans le rapport annexé à cette loi de 2019 que l’on trouve les spécificités relatives à ce nouveau juge. Cependant, cela reste une disposition récente, qui n’est pas encore pleinement développée (on ne retrouve pas encore le JIVAT dans le Code de l’organisation judiciaire).

L’article 2.3 de ce rapport, intitulé « Accompagner les victimes » évoque la nécessité d’améliorer, entres autres, « la qualité des prises en charge par le renforcement des effectifs et le développement des compétences spécialisées pour les victimes particulièrement vulnérables comme les victimes mineures ou les plus gravement traumatisées ».

L’article 3.3, « Améliorer encore l’efficacité de la justice antiterroriste » créé, dans ce but, un parquet national antiterroriste :

« Il apparaît particulièrement nécessaire de procéder à une spécialisation du ministère public en matière de lutte contre le terrorisme. Plusieurs facteurs conduisent, de fait, à inscrire dans la présente loi les dispositions relatives à la création d’un parquet national antiterroriste (PNAT)».

La loi du 23 mars 2019 donne donc une importance particulière à l’efficacité de la lutte contre le terrorisme.

C’est donc de manière analogue qu’une procédure spéciale a également été créée pour les victimes.

L’article 3.4 du rapport annexé, intitulé « Simplifier et améliorer le parcours procédural des victimes d’actes de terrorisme » est celui qui créé le JIVAT, dans le but de réparer les dommages causés aux victimes :

« Prenant appui sur les travaux de la mission confiée par la garde des sceaux à Chantal Bussière, il est proposé de simplifier ce parcours, d’accélérer leur indemnisation tout en favorisant leur égalité de traitement.
Dans cette perspective, il est tout d’abord donné compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris pour connaître l’ensemble des litiges liés à la reconnaissance de leur droit à indemnisation, à l’organisation d’une expertise judiciaire et à la réparation des préjudices des victimes de terrorisme, au fond comme en référé, selon les règles applicables à la procédure civile, ce qui permettra d’éviter que le traitement de ce contentieux particulièrement technique retarde le déroulement de l’information judiciaire et la tenue du procès.


Cette compétence exclusive a pour corollaire l’incompétence des juridictions pénales pour connaître de l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction constituant un acte de terrorisme. Les victimes d’un acte de terrorisme conserveront en revanche la possibilité de se constituer partie civile devant les juridictions pénales afin de mettre en mouvement ou de soutenir l’action publique et se voir reconnaître la qualité de victime. A cette fin, elles pourront notamment avoir accès au dossier de la procédure, formuler toute demande d’acte utile à la manifestation de la vérité.
Dans la phase amiable, il est par ailleurs prévu de renforcer les garanties offertes aux victimes de terrorisme s’agissant du choix par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) du médecin procédant à l’examen médical de la victime et de conférer au FGTI des pouvoirs d’auditions et d’investigations en vue d’accélérer l’indemnisation des victimes de terrorisme
 ».

Le JIVAT serait donc créé pour permettre aux victimes d’attentats terroristes de bénéficier d’une voie de recours leur étant spécifique.

 

  1. En pratique : les litiges opposant les victimes au FGTI

C’est le Fonds de Garantie des victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI) qui est tenu de proposer aux victimes d’attentats terroristes les indemnisations correspondantes aux préjudices subis.

Selon le « Guide pour l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme », écrit par le FGTI, une fois que le Fonds a formulé une proposition d’indemnisation, la victime peut l’accepter ou la refuser. Si elle refuse, « le montant de l’indemnité est alors déterminé par le tribunal de grande instance, après saisine par la victime. C’est le tribunal de grande instance de Paris, où siège la juridiction de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme (JIVAT) qui doit être saisi. Le Fonds de Garantie procède alors au règlement sur la base de la décision rendue ».

Le JIVAT est essentiellement sollicité dans des litiges opposant une victime au FGTI, quand elle considère que l’indemnisation proposée par ce dernier n’est pas à la hauteur.

Selon Monsieur Pierre Delmas-Goyon, le président du conseil d’administration du FGTI,

« C’est un juge du recours et de la compensation. Selon la loi, le Jivat appréciera l’offre d’indemnisation faite par le FGTI, une fois la victime reconnue comme telle. La personne pourra contester le montant de l’offre devant le Jivat mais pas son principe.

[…]

Il est difficilement concevable, dans le cadre d’un attentat de masse, qu’aucune victime ne soit indemnisée par le FGTI avant que le Jivat décide qui est victime et qui il convient donc d’indemniser. Ce dernier raisonnera au cas par cas. Ce n’est donc pas lui qui déterminera le périmètre des victimes » (dans le Rapport d’information n°278 (2018-2019), déposé au Sénat le 30 janvier 2019 par la commission des finances sur la prise en charge financière des victimes du terrorisme : https://www.senat.fr/rap/r18-278/r18-278_mono.html ).

Il serait possible, après un premier recours au JIVAT, de faire appel de la décision de ce juge : dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris, la famille d’une des victimes des attentats du Bataclan du 13 novembre 2015 a contesté le montant des indemnités proposées par le FGTI.

Cet arrêt confirme que le JIVAT est compétent pour indemniser les victimes par ricochet d’attentats terroristes, et permet de démontrer ce que le JIVAT considère pour indemniser une victime. Dans cette affaire, la JIVAT a notamment dû se prononcer sur la somme tenant à l’action sur les souffrances endurées :

« Pour allouer au titre des souffrances endurées par M. F N Q Y la somme de 100.000 €, la JIVAT a pris en compte les blessures dues aux quatre balles reçues par cette victime, les conditions de son évacuation, l’absence de traitement des lésions, le retentissement psychique des faits, la confrontation directe aux actions des terroristes, la mort de personnes autour de lui, le fait qu’il n’ait pas connu le sort des proches avec qui il se trouvait, l’impossibilité de s’enfuir, la détresse et l’angoisse dues à la conscience de sa mort inéluctable et des conséquences de celle ci pour ses proches » (Cour d’appel de Paris – Pôle 04 ch. 12, 21 avril 2022, n°21/00238).

Le JIVAT permet donc aux victimes d’attentats terroristes de bénéficier d’une voie de recours, leur donnant la possibilité de contester le montant de l’indemnité allouée par le FGTI. Malgré le fait que ce juge ne statue pas sur le fond, se concentrant uniquement sur le montant des indemnités, il est possible qu’il ordonne des expertises médicales, entres autres, aux fins de déterminer le préjudice indemnisable. Il se penchera donc sur les circonstances spécifiques à l’affaire, et jugera au cas par cas.

 

Pour récapituler :

Pour les victimes d’actes de terrorisme, ce qui change fondamentalement par l’apport de cette loi, c’est la compétence exclusive du Tribunal Judiciaire de Paris et non la CIVI lié au TJ de leur département.