GARDE A VUE / AVIS A FAMILLE

GARDE A VUE / AVIS A FAMILLE

L’avis à famille relatif au placement en garde à vue doit être réalisé dès la demande du gardé à vue, mais peut aussi être reporté par le Procureur de la République, à condition que le motif légal de ce report figure en procédure

  1. Qu’est ce que l’avis à famille ?

Selon l’article 63-1 du Code de procédure pénale, lorsqu’une personne est placée en garde à vue, l’officier de police judicaire (ou un agent de police judiciaire sous son contrôle) doit lui notifier qu’elle a notamment le droit de « faire prévenir un proche et son employeur ou toute autre personne qu’elle désigne ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l’Etat dont elle est ressortissante, et, le cas échéant, de communiquer avec ces personnes ».

L’avis à famille a pour objectif de laisser l’opportunité à la personne placée en garde à vue de prévenir un proche, qui pourra lui venir en aide (désigner un avocat, prendre en charge les enfants, prévenir de l’absence à un rendez-vous etc).

  1. Qui est concerné par cet avis ?

L’article 63-2 du Code de procédure pénale prévoit que les personnes pouvant être avisées sont :

-la personne avec qui le gardé à vue habite habituellement,

-ses parents en ligne directe,

-ses frères ou sœurs,

-toute autre personne qu’il désigne.

Il convient de préciser que la personne gardée à vue peut notamment faire prévenir son tuteur ou son curateur dans le cadre de cet avis, sur le fondement de l’article 63-2 du Code de procédure pénale, s’il fait l’objet d’une protection judiciaire. En effet, au stade de la garde à vue, aucune disposition n’impose aux enquêteurs de le prévenir (Cass.crim., 11 décembre 2018, n°18-80.872).

  1. Comment est réalisé cet avis ?

La personne gardée à vue doit fournir aux enquêteurs les coordonnées de la personne qu’elle souhaite faire prévenir, ou un moyen de la trouver.

Si la personne placée en garde à vue est dans l’incapacité de fournir son numéro de téléphone, ne peut donner l’adresse de la personne à aviser, ne peut conduire les enquêteurs à son domicile, et que cette personne n’a pu être trouvée sur les pages blanches de l’annuaire, il ne pourra être reproché aux enquêteurs un avis à famille infructueux (Cour d’appel de RENNES, 13 aout 2016, n°16/00294).

De plus, l’article 63-2 du Code de procédure pénale prévoit que cet avis est réalisé « par téléphone ».

Selon la jurisprudence, cet avis par téléphone signifie seulement que les enquêteurs doivent prévenir la personne désignée à l’aide d’un téléphone, sans préciser s’il peut ou doit s’agir d’un appel ou d’un message.

Il ne peut leur être reproché de ne pas avoir laissé un message à la personne désignée, dès lors que les enquêteurs l’ont appelé et que cette personne n’a pas répondu (Cour d’appel de PARIS, 18 mai 2022, n°22/01430).

Dans le cas contraire, l’avis réalisé par simple message SMS, sans avoir appelé la personne désignée, suffit à respecter les dispositions législatives à savoir un avis par téléphone (Cour d’appel de RENNES, 14 juin 2017, n°17/00268).

Un message vocal suffit également à considérer l’avis à famille réalisé (Cour d’appel de VERSAILLES, 17 février 2009, n°09/01252).

Plus encore, il ne peut être reproché aux enquêteurs de ne pas avoir tenté d’appeler plusieurs fois la personne désignée (Cour d’appel de PARIS, 22 septembre 2007, n°07/02657).

En effet, l’obligation de prévenir la famille en cas de demande de la personne placée en garde à vue est seulement une obligation de moyen, signifiant qu’il suffit aux enquêteurs de démontrer qu’ils ont réalisé l’avis, sans avoir à démontrer que la personne a effectivement répondu à l’information.

  1. Quel délai pour réaliser cet avis ?

L’article 63-2 du Code de procédure pénale prévoit que cet avis à famille doit être réalisé dans un délai de 3 heures : « Sauf en cas de circonstance insurmontable, qui doit être mentionnée au procès-verbal, les diligences incombant aux enquêteurs ou, sous leur contrôle, aux assistants d’enquête en application du premier alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande ».

N’est pas considérée comme une circonstance insurmontable faisait obstacle à ce délai l’intervention d’un interprète si l’avis à famille pouvait être fait dans les 3 heures. En l’espèce, l’enquêteur, qui avait eu des difficultés à trouver un interprète pour réaliser l’avis à famille, avait procédé à l’audition de la personne placée en garde à vue avant l’avis à famille. Or, si l’avis à famille, qui est prioritaire sur l’audition, avait été réalisée avant celle-ci, le délai de 3 heures aurait été respecté. Rien ne justifiait donc ce retard (Cour d’appel de PARIS, 19 septembre 2007, n°07/02617).

En revanche, constitue une circonstance insurmontable le fait pour les enquêteurs d’avoir été mis en échec dans la prise de contact avec la personne désignée, du fait de la personne placée en garde à vue. En l’espèce, cette dernière avait fourni une adresse erronée aux enquêteurs, qui n’ont pu contacter la personne désignée dans les délais (Cass.crim., 7 juin 2011, n°10-85.565).

En cas de présence d’un interprète, il convient aux enquêteurs de prouver que d’autres actes étaient prioritaires ou plus urgents que l’avis à famille pour justifier un retard dans sa réalisation (Cour d’appel de PARIS, 18 septembre 2007, n°07/02607).

Enfin, constitue une circonstance insurmontable le fait pour la personne gardée à vue d’être dans l’impossibilité de fournir les coordonnées de la personne désignée, et l’absence de cette personne sur les pages blanches de l’annuaire (Cour d’appel de RENNES, 13 aout 2016, n°16/00294).

  1. Comment faire lorsque la personne avisée ne parle pas français ?

Si la personne désignée ne parle pas français, le Code de procédure pénale ne prévoit pas d’obligation de faire appel à un interprète (Cour d’appel de VERSAILLES, 1er février 2010, n°10/00724).

En revanche, rien n’empêche les enquêteurs de faire appel aux services d’un interprète (Cour d’appel de PARIS, 18 septembre 2007, n°07/02607 ; Cour d’appel de PARIS, 19 juillet 2007, n°07/01921).

  1. L’avis peut-il faire l’objet d’un report ?

L’article 63-2 du Code de procédure pénale prévoit également que cet avis peut être différé ou ne pas être réalisé s’il existe un risque : « Le procureur de la République peut, à la demande de l’officier de police judiciaire, décider que l’avis prévu au premier alinéa du présent I sera différé ou ne sera pas délivré si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne ».

Il peut s’agir par exemple de la demande d’aviser un membre de sa famille du placement en garde à vue, alors que ce membre pourrait avoir un lien avec l’affaire.

Cependant, il ne suffit pas au Procureur de la République de décider de ce report, il faut encore qu’il indique dans la procédure le motif de ce report, parmi ceux limitativement énumérés par cet article (Cass.crim., 7 février 2024, n°22-87.426).

  1. Conséquences du non-respect des dispositions

Selon le Code de procédure pénale et la jurisprudence, il existe trois moyens de nullités de l’avis à famille pouvant entrainer la nullité de la mesure de garde à vue :

-Absence d’avis à famille malgré demande de la personne placée en garde à vue,

-Avis à famille tardif non justifié par des circonstances insurmontables,

-Absence de motif justifiant le report de l’avis à famille.

La jurisprudence a en effet rappelé que le droit à prévenir un membre de sa famille de la mesure de garde à vue est un « droit essentiel » (Cour d’appel de PARIS, 11 juin 2008, n°08/02079).

Le non-respect de ce droit peut entrainer la remise en liberté de l’individu placé en rétention administrative, sur saisine du Juge des libertés et de la détention (Cour d’appel de PARIS, 11 juin 2008, n°08/02079).

Le non-respect de ce droit peut également faire l’objet d’un moyen de nullité. Il convient cependant de noter que la Cour de cassation sollicite la démonstration d’un grief tiré du non-respect de ce droit (Cass.crim., 7 juin 2011, n° 10-85.565 ; Cass.crim., 7 février 2024, n°22-87.426).