DETENTION / CONDITIONS DE DETENTION INDIGNES

DETENTION / CONDITIONS DE DETENTION INDIGNES

Traitements inhumains et dégradants infligés à un détenu : violation de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et consécration nationale par le Conseil constitutionnel

https://www.cabinet-fabre.avocat.fr/file/2020/02/Arret-J.M.-c.-France-traitements-inhumains-et-degradants-infliges-a-un-detenu1.pdf

CEDH, 30 janvier 2020, J.M.B. et autres c. France, n°9671/15 et 31 autres

Décision du Conseil Constitutionnel du 2 octobre 2020, n°2020-858/859 QPC

 

Les conditions de détention, maintes fois dénoncées, ont fait l’objet de plusieurs décisions importantes entre l’année 2019 et l’année 2020.

  • L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 5 décembre 2019

Pour la première fois, la Cour européenne des droits de l’Homme a rendu une décision particulièrement importante à l’égard de la France.

Dans un arrêt rendu le 5 décembre 2019, la Cour européenne a condamné la France pour « traitements inhumains et dégradants » infligés à une personne détenue, en violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Cet article prévoit en effet : « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

En l’espèce, le plaignant s’était scarifié l’avant-bras, souhaitant être transféré vers un établissement pénitentiaire plus proche de sa famille.

Le médecin a refusé de le faire hospitaliser, puis il a été placé en quartier d’isolement en raison de son refus de regagner sa cellule et le temps de son transfert vers un autre établissement.

Le plaignant a mis le feu à du papier dans sa cellule, provoquant l’intervention des surveillants pénitentiaires à l’aide d’une lance à incendie, visant notamment le plaignant.

Le lendemain, lors de son transfert, le plaignant était quasiment nu, habillé d’un simple t-shirt, et avait été attaché par les pieds.

Il a déposé plainte pour traitements inhumains en raison du traitement décrit et de coups qu’il aurait reçu de la part de surveillants, étant porteur de contusions.

La Cour européenne a jugé que le plaignant avait subi des violences psychologiques en raison de la souffrance et de l’anxiété causées par le comportement du personnel pénitencier (son état psychique et la privation de liberté le plaçant en situation de vulnérabilité), outre des violences physiques attestées par des certificats médicaux, les surveillants ayant usé de la force cotre lui.

Le plaignant avait ainsi, selon la Cour, subi des traitements inhumains et dégradants.

 

  • L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 30 janvier 2020

La Cour européenne a rendu une autre décision sur les conditions indignes en détention de manière générale, en date du 30 janvier 2020.

En l’espèce, la Cour européenne a été saisie par 32 requêtes, dénonçant des conditions de détention indignes (matelas au sol, population oisive, offre d’enseignement limitée, espace de vie réduit, cellule partagée par plusieurs détenus, manque d’intimité, présence de nuisibles et insectes, draps sales, mauvais accès aux soins etc).

Elle reconnait ainsi, par cet arrêt, les conditions indignes de détention dans les prisons françaises.

Par ailleurs la Cour européenne reproche également à la France l’absence de recours effectif contre ces conditions.

En effet, le recours administratif prévu par les articles L.521-2 et suivants du Code de justice administrative ne permettent pas au juge d’agir sur le fond du problème, à savoir la surpopulation carcérale, mais uniquement de manière provisoire.

 

  • La décision QPC du Conseil constitutionnel du 2 octobre 2020

En suite de cet arrêt de la Cour européenne, le Conseil constitutionnel s’est saisi de la problématique et a rendu une décision le 2 octobre 2020.

Par cette décision, le Conseil constitutionnel consacre l’interdiction de soumettre les personnes détenues à des conditions d’incarcération contraires à la dignité humaine et a souligné l’attention que les juges du fond doivent apporter aux allégations de ces personnes quant à leurs conditions de détention.

Le Conseil rappelle également l’importance de mettre en place un recours efficace permettant aux personnes détenues de dénoncer ces conditions de détention.

 

  • La loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention (n°2021-403)

Cette loi est intervenue en réponse à ces différentes décisions, afin prévoir un recours pour les personnes détenues vivant leur incarcération dans des conditions indignes.

Elle modifie les articles 144-1 (détention provisoire) et 707 (principes entourant l’exécution de la peine) du Code de procédure pénale afin d’y intégrer le principe du respect de la dignité dans le cadre de l’incarcération.

Par ailleurs, un nouvel article 803-8 du Code de procédure pénale a été créé.

 

Selon cet article, la personne détenue dont les conditions de détention seraient indignes dispose de deux recours, un référé liberté devant le juge administratif (mesure provisoire) et une saisine du Juge des libertés et de la détention (détention provisoire) ou du Juge de l’application des peines (condamné).

Cette dernière saisine permettra au Juge de proposer des solutions afin de mettre fin aux conditions de détention indignes, qui devront être mises en place par l’administration pénitentiaire.

En cas d’impossibilité de les mettre en place, le juge pourra décider du transfert du détenu, ou d’un aménagement de peine, afin de mettre fin aux conditions de détention indignes dénoncées.